Leçon 4 : Le fait d’avoir une stratégie de PI est-il un gage de réussite?
Le simple fait de posséder de la PI et d’avoir une stratégie de PI n’est pas un gage de réussite pour une entreprise. Toutefois, une entreprise qui n’a pas de stratégie de PI risque plus d’éprouver des difficultés et moins en mesure d’accroître ses activités.
Pour en avoir la preuve, il suffit de se pencher sur le sort de la société Nortel Networks (Nortel) et son vaste portefeuille de PI.
De plus, toute stratégie de PI se doit d’être logique, cohérente et appliquée, notamment en engageant des poursuites judiciaires au besoin.
EXEMPLE
À une époque, Nortel était un chef de file dans le secteur des technologies de réseautage optique. Elle était aussi la coqueluche du secteur des technologies au Canada avant de devenir insolvable et de se placer sous la protection de la loi sur la faillite en 2009. En plus de proposer des solutions et des technologies de pointe, elle possédait un vaste portefeuille de PI composé de marques de commerce et de brevets. Son portefeuille de brevets, qui regroupait des milliers de demandes en attente et de brevets, constituait son plus important actif de PI.
Dans une entrevue publiée dans le Corporate Legal Times en juin 1999, Richard Brait, l’avocat général de Nortel, a expliqué dans les termes suivants la stratégie de PI de l’entreprise :1
Notre portefeuille de brevets croît à un rythme beaucoup plus élevé qu’il y a quelques années, mais nous n’amassons pas de nouveaux brevets dans le but d’en posséder le plus grand nombre possible. Nous tentons d’identifier les technologies qui sont les pierres angulaires de secteurs en plein essor, qui nous donneront un avantage commercial. Il peut s’agir de notre capacité d’écarter la concurrence, d’obtenir d’importants paiements de redevance ou de signer des licences réciproques avec des concurrents dotés de solides portefeuilles.
Quand on lui a demandé comment Nortel cernait les possibilités d’octroi de licences, M. Brait a répondu :
La clé, c’est de bien connaître son propre portefeuille et de savoir ce que font les autres intervenants du secteur. Nous avons mis sur pied un groupe de formation sur le programme de licence de brevets, qui se familiarise avec nos brevets et les classifie comme première étape pour en déterminer l’applicabilité.
Le groupe analyse ses concurrents et les marchés qui présentent un intérêt. Il examine les brevets et détermine à qui ces brevets s’appliquent et quels sont les brevets susceptibles de présenter une valeur. Il transmet ensuite ses observations aux responsables de la planification du portefeuille, en vue de cerner les secteurs du marché sur lesquels nous devrions axer notre portefeuille. Notre objectif est d’obtenir des brevets susceptibles d’intéresser les grands marchés et non les petits.
Il est clair que Nortel avait adopté une stratégie de brevets délibérée et bien articulée. Cependant, elle n’a pas su exécuter sa stratégie de façon efficace, ce qui a probablement contribué à sa chute. Nortel générait des revenus de licences modestes d’environ 30 millions de dollars par année. En dépit des avantages que lui procurait son solide portefeuille de brevets (par ex., dissuader ses concurrents de la poursuivre), l’entreprise n’a pas su utiliser ses brevets de manière offensive comme prévu dans sa stratégie. En fait, il n’y a que très peu d’exemples de poursuites engagées par Nortel contre d’autres entreprises concernant ses brevets.
Comparons cet exemple à celui d’une société comme Ericsson, qui faisait concurrence à Nortel. Ericsson détient plus de 30 000 brevets délivrés et au moins le même nombre de brevets en attente. La société génère plus d’un milliard de dollars en revenus de brevets annuellement et elle n’hésite pas à exploiter vigoureusement son portefeuille de brevets. Généralement, elle propose d’abord d’émettre une licence pour l’utilisation de ses brevets, mais elle n’hésite pas à poursuivre d’autres entreprises pour contrefaçon de brevet. Par exemple, par le passé, Ericsson a poursuivi les deux fabricants de téléphones intelligents les plus connus (Samsung et Apple).
En plus de posséder un portefeuille de brevets étoffé et lucratif, Ericsson faisait partie du consortium qui a fait l’acquisition, pour la somme de 4,5 milliards de dollars, du portefeuille de brevets de Nortel lorsque celle-ci a déclaré faillite. Cela soulève une importante question.
Pour générer des revenus :
Nortel n’avait pas octroyé beaucoup de licences pour l’utilisation de ses brevets, ce qui fait que son portefeuille présentait un important potentiel de génération de nouveaux revenus.
À des fins défensives :
Si Ericsson n’avait pas fait l’acquisition des brevets et que quelqu’un d’autre l’avait fait, la société aurait pu être poursuivie en justice et être tenue de payer des dommages-intérêts ou des redevances sur des brevets relevant de son domaine de technologie.